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Intégration Post-Soviétique : L'Absence d'une Union de Droit II



Le problème central, qui continue d’empêcher tout progrès en Russie et dans les anciennes Républiques soviétiques, c’est le modèle sociétal. De grands espoirs étaient nés de l'effondrement de l’URSS. Beaucoup s’attendaient à ce que la Démocratie, les valeurs libérales et les droits de l’Homme seraient désormais institués et respectés. En 1991, les termes les plus populaires dans les discours politiques furent “Etat de droit” et “société civile”.


Mais 30 ans plus tard, il ne reste que bien peu de tout cela dans l’espace post-soviétique. Certes on peut entendre des termes proches de l’idéologie libérale pratiquement partout, mais ces termes ne font figure que d’apparences et de propagande mensongère. Et tout ceci commença dès l'effondrement. Eltsine, Président de la Fédération de Russie, débarrassé de la tutelle de Gorbatchev et de l’URSS, a mis en oeuvre des réformes économiques, dans le but affiché de libéraliser la Russie à marche forcée. Ces réformes ont eu pour résultat la création d’une oligarchie et d’une criminalité qui a infiltré tous les niveaux de la société. Si les agents du KGB devaient défendre l’idéologie socialiste, les agents du nouveau FSB étaient là pour protéger leurs clients de poursuites judiciaires ou d’autres groupement concurrents. Le rêve démocrate prit fin avec les Guerres de Tchétchénie, utilisées comme une excuse justifiant le durcissement du pouvoir face à la menace terroriste. Les autres Républiques soviétiques connurent plus ou moins le même sort. Le résultat de l’ouverture des frontières à la mondialisation, couplée avec une corruption inégalée, a amené à l’effondrement spectaculaire des économies nationales. Seules, la Russie et l'Azerbaïdjan ont réussi à survivre à la tempête en profitant des prix du pétrole et du gaz.


Il n’est pas surprenant que le projet d’intégration de l’UEE semble inefficace. L’Union Européenne n’est certes pas née en un jour, mais elle l’a fait dans des conditions institutionnelles favorables. On pourrait aussi dire que les Etats fondateurs des Communautés Européennes étaient déjà des démocraties libérales stables et fonctionnelles avant de chercher à créer un marché commun. Au fond, les Etats européens n’ont fait qu’élever leurs valeurs libérales communes à l’échelle du continent. Il paraît alors évident que les Etats-membres de l’UE ont bien voulu laisser une marge de manœuvre conséquente aux institutions européennes pour qu’elle puisse atteindre ses objectifs. N’ayant rien à craindre de l’Union pour leur développement politique interne, les Etats européens se sont soumis au projet d’intégration qu’ils ont voulu.


L’UEE, elle, est piégée par ses paradoxes. Voulant une libéralisation des échanges à l’échelle de l’Union mais refusant de mener des réformes politiques libérales en leur sein, les Etats-membres de l’UEE empêchent celle-ci de progresser. Refusant de donner une capacité aux organes intégrés de l’Union d’agir, ils pensent pouvoir la diriger directement, de manière intergouvernementale. Pourtant cette attitude nuit au développement de l’UEE et ne fait qu’exacerber les méfiances à l’intérieur de l’ensemble. Une puissance domine les autres, la Russie. Celle-ci utilise l’UEE pour ses propres objectifs géopolitiques, tout en refusant de jouer le jeu de l’intégration pour garder sa domination sur son étranger proche. De par sa politique étrangère, elle a réussi à repousser les meilleurs candidats pour l’intégration eurasiatique. Elle inquiète ses voisins par son discours réunioniste, tout en voulant combattre l’influence d’autres acteurs dans la région. Enfin, elle cherche à maintenir des régimes kléptocratiques en place tout en écrasant toute forme d’opposition à l’intérieur de ses propres frontières.


Tout bien sûr n’est pas parfait dans l’Union Européenne non plus. On peut le voir par les défis lancés par les attitudes nationalistes des Etats du Visegard (composé de démocraties illibérales et également héritières du passé socialiste). Mais les Etats européens comprennent l’incontournable besoin d’avoir des valeurs libérales inscrites dans les traités et les constitutions des Etats-membres. Il n’est pas surprenant par exemple de voir que l’acquis européen, que tout potentiel candidat doit transposer dans son droit interne avant l’entrée dans l’Union, se concentre beaucoup sur des réformes de nature libérale. Les institutions européennes font d’ailleurs très attention aux réformes internes des Etats comme on a pu le voir avec les affaires concernant les réformes de la Cour Suprême polonaise.


Il paraît donc important de conclure la comparaison entre l’UE et l’UEE en soulignant que toutes les différences entre les deux ensembles ne sont au final que des symptômes d’une différence fondamentale : l’UE est libérale, l’UEE ne l’est pas. Cet état de fait doit nous faire révéler un élément clef de la théorie de l’intégration : la cohérence entre le modèle politique et économique interne, avec le modèle d’intégration régional choisi. L’UEE peut prétendre prendre l’exemple européen, elle ne le fait qu’à moitié, et en récolte des résultats médiocres.


Ainsi il ne suffit pas de transposer un modèle d’intégration sur n’importe quel espace pour obtenir un résultat similaire. La pratique de l’intégration, qui a donc été théorisée par la doctrine, n’est pas unique est absolue. Comparer l’intégration régionale de deux ensembles dépend beaucoup de leur structure économique, de leur Histoire, de leur culture, de leurs politiques internes. L’UEE est essentiellement une organisation internationale intergouvernementale du fait de la mauvaise volonté de ses Etats-membres.


Nous allons maintenant conclure en comparant globalement les deux intégrations, européennes et soviétiques et post-soviétiques pour en dégager les grandes lignes de réflexion. Forts des éléments commentés tout au long de ce mémoire, nous pourrons aussi spéculer sur l’avenir des deux ensembles ainsi que de l’avenir de leurs relations mutuelles.


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