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Intégration Post-Soviétique : Fonctionnement de l'UEE




L’UEE semble fonctionner sur un modèle similaire à celui de l’UE. Hormis l’aspect institutionnel sur lequel on reviendra plus tard, il s’agit essentiellement d’une organisation internationale à but économique dont les compétences sont fortement encadrées.


L’article 2 du traité prévoit des définitions des termes de la politique eurasienne et parmi celles-ci on peut trouver des notions inspirées du droit de l’UE comme par exemple l’harmonisation des législations (même si l’outil européen pour ce faire, la directive, n’existe pas en droit de l’UEE), l’espace économique commun (dans le traité d’Astana les termes “commun” et “unique” semblent se contredire vu qu’ils concernent les mêmes politiques et sont peut être le reflet de tensions entre les Etats-membres quant à la portée des compétences de l’UEE), marché unique (commun), politique coordonnée et politique commune, et enfin unification des législations. Vu que l’UEE reprend à son compte l’Union Douanière eurasiatique qui l’a précédée, celle-ci est également comprise dans les définitions.


Ces définitions sont suivies par les buts et les principes de l’UEE, ce qui rappelle bien sûr l’organisation des traités européens, présentant l’Union comme une organisation à objectifs pour la réalisation desquels des moyens sont accordés par les Etats-membres. Contrairement à l’UE toutefois, l’UEE reste exclusivement une organisation internationale à but économique, aucun autre objectif n’est pour l’instant envisagé. Des principes fondamentaux du fonctionnement de l’Union sont également listés pour encadrer l’usage des compétences qui lui sont attribuées. On peut y lire des références par exemple à la subsidiarité et à l’attribution de compétences, le respect des normes de droit international (avec une emphase toute particulière sur la souveraineté des Etats et leur intégrité territoriale) ainsi qu’un engagement des Etats à ne pas entraver l’action de l’Union (référence à l’intégration négative ou la volonté de ne pas empêcher la construction de l’Union).


Ces dispositions sont suivies par une définition du droit de l’Union et des différents actes de droit dérivé que l’Union peut adopter. A la différence de l’UE, on ne parle pas ici de Règlements ou de Directives. Le droit de l’UEE est en effet circonscrit à des ordonnances (visant des actes de nature organisationnelle et réglementaire) et des décisions (qui sont des actes de nature réglementaire). L’attribution des compétences se fait essentiellement entre les organes de l’Union. Une hiérarchie est prévue avec au sommet le traité d’Astana lui-même qui prime sur les accords internationaux de l’Union et le droit dérivé. Le droit dérivé quant à lui est hiérarchisé avec au sommet les décisions du Conseil Suprême, ensuite le Conseil intergouvernemental et tout en bas les décisions de la Commission. L’UEE prévoit également la mise en place d’une politique monétaire commune (ce qui rappelle la pratique du Serpent Monétaire Européen de la CEE) et a prévu un régime linguistique précis (la langue de travail est le russe mais tous les actes doivent être traduits dans les langues des Etats-membres).



Sur le plan institutionnel l'organe le plus important est le Conseil Suprême. Étant l’analogue du Conseil Européen, il fixe les grandes lignes de la politique de l’Union. Mais contrairement au droit européen, le Conseil Suprême prend également “des décisions visant à la réalisation des objectifs de l’Union”. Il nomme également à pratiquement tous les postes de l’Union et approuve également les règlements internes aux institutions de l’Union.


Le Conseil intergouvernemental est chargé de l'exécution du traité et contrôle l’activité de la Commission à qui il peut donner des instructions. La Commission quant à elle peut proposer des recommandations et des décisions relevant de sa compétence.

Les compétences de l’Union sont distribuées entre les différents organes selon l’importance des questions posées, toujours à l’avantage du Conseil Suprême. La Commission peut adopter des actes à la majorité qualifiée selon la nature de la compétence concernée mais le Conseil Suprême et le Conseil intergouvernemental fonctionnent sur le principe de l’unanimité stricte. De plus, les actes de la Commission peuvent être suspendus par le Conseil intergouvernemental ou le Conseil Suprême.


On voit donc clairement, au vu de cette construction institutionnelle, que si l’UEE vise à mettre en œuvre des politiques juridiques proches de celles de l’UE, elle ne le fait pas dans une même modalité. L’UE est une organisation fortement intégrée avec beaucoup de marge de manœuvre donnée aux organes intégrés. Dans l’UEE, l’essentiel du pouvoir est détenu par le Conseil Suprême. On pourrait voir en cela le fait que l’UEE se rapproche plus des débuts de la CEE que de l’UE actuelle mais il est plus vraisemblable de dire que l’UEE se rapproche plus encore de l’URSS dans laquelle les pouvoir étaient confiées au Conseil Suprême (représentant en URSS le peuple et l’Union alors que dans l’UEE il représente les Etats-membres au niveau des chefs de l’Etat) et qu’ensuite l'exécution est confiée à des organes subordonnés (CEC pour l’URSS et Commission et Conseil intergouvernemental dans l’UEE).


Mais il faut également souligner l’absence d’une institution que l’on trouve dans l’UE : le Parlement. Le Parlement européen a existé dès les débuts de la CEE et ses pouvoirs n’ont fait que croître avec le temps. Simple chambre consultative composée de membres de parlements nationaux, il devint une chambre élue au suffrage universel avec une voix importante dans l’adoption des actes du droit de l’Union et un pouvoir de contrôle sur les nominations. Il contribue au fonctionnement démocratique de l’Union Européenne et cherche à obtenir l’adhésion des citoyens européens. L’UEE quant à elle ne prévoit aucune citoyenneté commune (se basant sur le régime des droits prévus dans le cadre de la CEI pour les déplacements des citoyens) et ne prévoit aucun organe parlementaire quel qu’il soit (même consultatif).


Si l’URSS avait un peuple soviétique pendant des décennies avec une culture commune et une citoyenneté commune, il est assez ironique de voir qu’aujourd’hui c’est l’Europe qui incarne le mieux l’intégration citoyenne au niveau régional. En effet, via la citoyenneté européenne et les élections parlementaires, un “deimos” européen est en train d’être formé alors que l’UEE ne possède pas cette ambition. L’intégration fédérale de l’UEE est donc très faible comparée à celle de l’UE.


On peut donc en déduire que l’UEE est complètement soumise à la volonté des Etats avec pratiquement aucune marge de manœuvre pour la Commission. A cela s’ajoute la question de l’intégration quand on regarde la question de “principal-agent” ou “mandant-mandé”. Dans l’Union Européenne, il existe une fonction publique européenne qui est quasiment indépendante des Etats-membres qui l’envoient (surtout à la Commission et à la Cour bien entendu). Mais l’UEE ne semble pas trop soutenir cette forme d’intégration indirecte en empêchant la création d’une “élite eurasienne”. Même les agents de la Commission Eurasiatique semblent être plus soumis aux Etats qui les envoient qu’à l’Union en elle-même. De ce fait les agents de l’Union sont mandatés par les Etats pour soutenir les besoins de l’Etat mandant.


Nous voyons donc via cette analyse que l’UEE, même si elle prétend suivre un exemple d’intégration régionale politique comme l’Union Européenne, demeure assez timide par ces institutions. Elle reste absolument soumise à la volonté des Etats et le recours à l’unanimité l’empêche tout autant d’avancer que d’enclencher des mécanismes d’engrenage comme on a pu le voir pour l’Europe. Également sa fonction publique ne semble pas pouvoir réellement se démarquer de la volonté des Etats.


Mais si ces éléments semblent présenter une image d’une organisation soumise à la volonté des Etats, ce n’est en fait pas tout à fait vrai. Il serait plus véridique de dire que ces éléments sont des gardes-fous voulus par les Etats-membres pour avoir plus de moyens de résistance face à l’hégémonie du géant russe. Comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant, l’UEE est avant tout une extension du pouvoir russe pour réaliser ses objectifs géopolitiques.


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