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Intégrations Soviétique et Post-Soviétique: Introduction




(Ce qui suit est le premier article reprenant mon propos dans mon mémoire de recherche. Les noms des parties seront modifiées pour correspondre à un format "chronique" mais le propos en lui-même ne sera pratiquement pas modifié.)


L’intégration est une notion commune à plusieurs disciplines, du droit à l’économie, des mathématiques à la physique. Bien évidemment le sens du terme change selon le contexte dans lequel il est utilisé mais le sens profond du terme demeure le même. L’intégration, c’est le fait de fusionner plusieurs ensembles en vue de créer un ensemble à une échelle supérieure. En droit, on parle d’intégration essentiellement pour parler de la création d’un régime juridique commun à plusieurs ensembles qui jusque là étaient séparés.


L’intégration juridique suit invariablement l’intégration politique. Les deux processus sont fondamentalement liés car le droit est l'expression de la volonté souveraine, et donc éminemment politique. L’économie, elle, a besoin d’un cadre juridique pour évoluer. Ainsi, même si l’image est imparfaite, le politique crée le juridique et ensuite le juridique encadre l’économique. On devine donc facilement que l’intégration, peu importe son échelle, est un enjeu important car il dicte l’évolution de nos sociétés.


Même si le terme peut être anachronique, l’Histoire de l’Humanité est composée d’intégrations et de désintégrations. Comme les vagues qui s'écrasent sur le rivage avant de se retirer, les grands ensembles régionaux de la planète ont connu des Empires puis des effondrements. Des koinons (les fameuses “ligues”) greques aux organisations internationales modernes, l’Histoire des sociétés humaines est une Histoire pleine de différentes formes d’intégrations. Si on prend par exemple l’Histoire française, on pourrait dire que la République française est le résultat d’une longue intégration qui commença à l’époque médiévale, lors de laquelle le pouvoir royal cherchait à unifier en un territoire cohérent un ensemble féodal très disparate (d’ailleurs le terme “féodal” renvoie à “fédéré” et donc à “fédération”). Le Royaume lui-même est né de la désintégration d’un autre ensemble qui l’a précédé : l’Empire romain. Mais si on considère que la France est désormais un Etat unitaire, ce n’est pas tout à fait le cas depuis les réformes sur la décentralisation et la création des Régions. De plus, la République française participe à d’autres intégrations dans laquelle elle n’est qu’un acteur fédéré parmi d’autres : l’Union Européenne, l’OTAN, etc … Par cet exemple on peut donc parfaitement illustrer les processus d’intégration et de désintégration ainsi que les nouveaux processus d’intégration au degré supérieur.


La fin du XXème siècle a été une période de désintégration violente : la fin des Empires coloniaux, la chute de l’URSS, la fin de la Yougoslavie … En 50 ans, la Communauté Internationale est passée d’une cinquantaine de membres à plus de 150. Et les revendications indépendantistes ne sont pas encore terminées. Hormis les États non reconnus comme l’Abkhazie et l'Ossétie du Sud, quel sera l’avenir du Tibet ou du Kurdistan ? Le règne des grands Etats semble prendre fin ...


Mais alors que ce processus de désintégration semble s'accélérer, nous assistons à un nouveau phénomène particulier : l’intégration au niveau régional via des organisations internationales à buts précis (militaire ou économiques notamment). Ainsi, face à une mondialisation censée ouvrir toutes les frontières, les Etats ont décidé qu’il était dans leur intérêt de travailler ensemble avec leurs voisins à l’échelle régionale pour faire face à la concurrence étrangère et pour mettre en œuvre des politiques communes, voir créer un régime juridique commun. Ainsi, si avant l’intégration se faisait au niveau national, ce processus se passe désormais via des traités de droit international. L’Etat demeure souverain, mais il participe désormais à un ensemble plus grand, qui n’apparaît pas sur les cartes montrant les Etats, mais qui peut se comporter comme un Etat régulateur dans certains domaines. Ainsi par exemple on parle plus souvent de “l’Europe” quand on parle de marchés ou de politique économique qu'on ne parle de ses Etats-membres. La politique économique nationale n’est désormais plus que cela : nationale.


Mais si tous les regards se portent d’abord sur l’Union Européenne lorsqu’on parle d’intégration régionale, il y a un autre espace qui peut être tout aussi intéressant. Un espace qui d’ailleurs pose un petit souci à propos de son nom : on parle “d’Eurasie” car il s’agit d’un ensemble qui se trouve à cheval sur les deux espaces. Mais il n’est pas tout à fait européen tout comme il n’est pas tout à fait asiatique. C’est pour cela que la façon la plus simple de nommer cet espace, c’est de l'appeler selon le nom de l’intégration la plus forte qu’il y a eu à ce jour. C’est pour cela que nous allons parler de l’espace soviétique (avant 1991) et de l’espace post-soviétique (après 1991).


Cet espace, que tout le monde confond avec la “Russie Historique”, ou encore la “Russie Impériale”/ “Empire Soviétique”, est une région qui a de nombreux atouts et beaucoup d’importance dans les enjeux mondiaux. Mais trop souvent a-t-il été négligé dans la doctrine pour ses institutions. En effet, bien peu d’experts occidentaux se sont penchés sur le fonctionnement constitutionnel soviétique ou encore sur la toute récente charpente de l’Union Eurasiatique.


Vu que cet ensemble est voisin de l’Union Européenne, et que l’Histoire des deux ensembles est fortement mêlée, il peut être intéressant d’étudier leurs intéractions. Surtout, il semble intéressant de réfléchir sur la question suivante : comment peut-on concevoir l’intégration soviétique et post-soviétique à l’aune de la théorie de l’intégration européenne ? Car un des aspects remarquables de la comparaison des deux espaces, c’est que l’ensemble européen semble avoir créé un modèle utile à la compréhension et à l’analyse des autres modèles d’intégration régionale.


Mais avant de procéder à cette analyse, il nous faut encore poser les bases de cette analyse. C’est pour cela que nous allons dans un premier temps définir l’espace soviétique et post-soviétique ainsi que son Histoire (I) avant de rappeler les grandes lignes de la théorie de l’intégration européenne (II).

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