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Intégration Soviétique : CEI




Si l’accord de “Belovejskoe” a eu pour résultat de dissoudre l’Union Soviétique, son objet principal ne fut pas de réaliser la fin pure et simple de l’Union mais plutôt l’organisation de son remplacement par une nouvelle organisation internationale : la Communauté des Etats Indépendants. Cette Communauté est très différente de l’URSS et même des projets de Gorbatchev car elle vise au mieux le maintien de quelques politiques communes et de liens économiques. Il ne s’agit plus d’une organisation fortement intégrée mais clairement d’une organisation intergouvernementale dans laquelle les Etats-membres sont rois. L’idée était de maintenir des actions en commun mais de désormais ne plus être liés ensemble.


Par exemple, pour éviter des effets trop néfastes envers les citoyens d'autres Républiques soviétiques sur leur territoire, les Etats se sont engagés à respecter les droits de ces citoyens et de leur donner des garanties. Mais si ces garanties ont été souscrites, il n’en demeure pas moins que la citoyenneté de l’Union fut supprimée et qu’il a fallu créer des régimes de citoyenneté particuliers jusqu’en 1992, date à laquelle la nationalité a été donnée non pas en fonction de l’origine culturelle mais selon le lieu de résidence. Cet état de fait est d’ailleurs source de conflits jusqu’à ce jour : on peut par exemple penser aux russes de Crimée vivants avec un passeport ukrainien du fait de la pratique de l’uti posseditis (qui attribua donc naturellement la Crimée à l’Ukraine).


L’article 4 prévoit des domaines dans lesquels les Etats-membres doivent continuer de coopérer. Parmi ceux-ci sont visés l’environnement, l’économie ou encore la santé. Mais sans bonne volonté des Etats et sans mécanismes d’intégration efficaces (comme le sont ceux de l’UE ou le furent ceux de l’URSS), ces intentions sont restées lettre morte au cours des décennies qui ont suivi l’institution de la Communauté.


On peut aussi souligner l’article 5 de l’accord qui prévoit une garantie du respect des frontières. On peut comprendre cette intention car tous les conflits nationaux ont été gelés pendant la période soviétique, le pouvoir venant d’en haut. Mais une fois que les souverainetés furent à nouveau respectées, les nombreux conflits gelés ont été ravivés, y compris pendant les années 1980 comme par exemple les questions abkhazes ou le statut du Nagorno-Karabakh. Ainsi cet article fait plus preuve de bonne volonté que d’engagement réel. La Russie continue d’ailleurs de faire pression sur ses voisins aujourd’hui en instrumentalisant ces conflits gelés (et maintenant en ayant eu recours directement à une invasion de l’Ukraine).


L’aspect le plus remarquable de cet accord demeure l’article 6 qui prévoit le désarmement nucléaire total des Etats de la CEI ainsi que la mise en commun de l’arsenal nucléaire née de la dissolution de l’URSS. En effet, lorsque cet accord fut signé l’inquiétude internationale portait sur la sécurité de l’immense arsenal nucléaire soviétique. Pour garantir l’équité dans les décisions nucléaires, l’accord de “Belovejkoe” prévoyait donc un contrôle commun. Toutefois cette situation changea rapidement car des accords furent conclus entre la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan sur le rapatriement des arsenaux nucléaires soviétiques en Fédération de Russie. En échange la Russie s’engageait d’honorer seule toute les obligations financières héritées de l’URSS et de respecter et défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine notamment (ce qui rend encore plus répugnant les menaces actuelles de la Russie de l’usage de ces mêmes armes contre l’Ukraine et sa Guerre de conquête en Ukraine et ses annexions illégales). Une fois de plus cet élément est étrange car on est face à des États liquidant le passé commun soviétique mais la Russie y joue la continuité historique de l’ensemble dissout.


Enfin l’accord de “Belovejskoe” prévoit des domaines dans lesquels les Etats doivent coopérer dans des activités communes comme la politique étrangère ou les transports. Cet article n’appelle qu’à une coopération sans en préciser ni la nature ni la forme organisationnelle. On pourrait commenter en disant que l’accord de “Belovejskoe” conçoit qu’il doit y avoir une continuité entre l’URSS et la CEI mais ne veut prendre aucun engagement formel pour laisser les Etats libres de disposer de leurs souverainetés retrouvées.


Le plus gros recul de l’accord par rapport aux projets de Gorbatchev se trouve dans l’article 9 qui prévoit le recours à la diplomatie pour régler les litiges entre Etats-membres. Aucune cour ou institution formelle n’est prévue pour faire respecter l’accord ou potentiel droit dérivé issu de l’application de cet accord. Autant dire que l’organisation n’avait aucune force contraignante dès sa création. La CEI est donc une véritable organisation internationale intergouvernementale au sens classique du terme. En cela, elle prouve l’absolue souveraineté et indépendance de ces Etats-membres mais dans le même temps cela montre un affaiblissement considérable de l’intégration au niveau régional.


Dans la pratique, on remarque que la CEI est devenue inefficace. Elle n’a réussi à garantir aucune continuité entre l’intégration soviétique et le monde post-soviétique car elle n’a pu empêcher les conflits d’exploser. Elle n’a pas non plus empêché la signature de traités bilatéraux entre Etats-membres et des Etats-tiers nuisibles au développement de l’organisation elle-même. Certains Etats quittèrent la CEI, comme par exemple l’Ukraine et la Géorgie, à cause de la politique expansionniste russe. La Russie, elle, a préféré jouer le protectionnisme de son économie nationale, considérant s’être enfin débarrassée de la charge des Républiques qui siphonnaient son budget à l’époque soviétique. Cette dynamique a finalement favorisé la Russie qui, au lieu de jouer le jeu des traités, a plutôt joué sa force individuelle dans des relations bilatérales où elle a toujours la main forte (ou du moins l’avait jusqu’aux événements récents). Seuls, l’entrée en jeu de puissances extérieures comme les Etats-Unis ou l’Union Européenne peuvent temporiser l’influence russe dans ces régions.


On peut donc conclure cette partie en disant que si l’URSS a cherché à maintenir une intégration au niveau de l’Union d’Etats devenus indépendants en 1917, et même si elle a essayé de changer de forme pour devenir plus libérale et respectueuse des identités nationales, l’échec de son intégration trop cynique et autoritaire ont amené à son effondrement, présidé par des ambitions personnelles usant de l’argument national pour favoriser leurs projets. Mais si l’intégration soviétique est désormais de l’Histoire ancienne, il faut désormais étudier l’intégration post-soviétique via l’étude de cette nouvelle organisation internationale qu’est l’Union Économique Eurasiatique.


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