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Pour une Nouvelle Russie : Le Fachisme Opportuniste (Poutinisme Partie II)




Nous avons vu dans la Partie I comment on peut définir le fachisme et comment Poutine a conçu son pouvoir de l’an 2000 à 2016. Nous allons désormais étudier sa politique depuis 2016 jusqu’à aujourd’hui et le résultat de ses 20 ans au pouvoir.


Poutinisme (2016-2022)


Le retour de Poutine à la présidence en 2012 fut fracassant. Après avoir éliminé le risque politique que constituaient les événements de 2011 (manifestations de la place Balotnoya, etc …), Poutine a tout de suite employé un tour de vis incroyable pour renforcer son régime. De son point de vue, Medvedev (Président de 2008 à 2012) avait été trop libéral et était en passe d’affaiblir considérablement le régime que Poutine avait construit. C’est d’ailleurs pour ça que Poutine était revenu au pouvoir et pourquoi il avait forcé la main de Medvedev d’intervenir en Géorgie en 2008.


Mais une chose avait grandement changé depuis la décennie 2000-2010. La première présidence de Poutine avait été portée par des vents économiques très favorables. La Russie avait profité de la stabilisation de l’économie après les années 1990 et d’un boom économique après l’augmentation du prix des hydrocarbures. Mais depuis 2008, le monde entre dans une période de crise économique profonde et les prix des hydrocarbures chutent. La Russie entre dans une récession qui a pour effet de changer la nature du régime.


Poutine décide donc d’employer son énergie à la politique étrangère. En 2014, alors que la Révolution Ukrainienne (qu’on appelle également Euromaidan) fait rage, Poutine en profite pour réaliser un vieux rêve national russe : le retour de la Crimée en Russie. Sa popularité explose alors et atteint des sommets encore jamais vus. Poutine était alors vu comme l’Homme qui rendait à la Russie sa grandeur perdue. Et là va apparaître une tendance : désormais la stabilité du régime ne vient plus du discours opportuniste discuté dans la Partie I, mais dans l’illusion du retour de la Gloire de la Russie et du génie géopolitique de Poutine. Mais quelque chose d’autre apparaît également : les sanctions économiques. Alors que le monde se remet de la crise de 2008, la Russie ne retrouve pas le chemin de la croissance, l’économie se dégrade. Ne pouvant avoir recours à une économie solide, Poutine va jouer le coup du renforcement de la Dictature.


Ce processus sera long et presque invisible. C’est d’ailleurs comme cela qu’on réussit le mieux, les changements brutaux peuvent être déstabilisants, mais quand le processus est étendu dans le temps, il a plus de chance de passer.


C’est comme ça que depuis 2016, le discours d’ouverture vers l’Occident et le monde est changé vers un discours axé sur les valeurs traditionnelles, sur un modèle alternatif à un Occident décadent et sur le point de s'effondrer, sur une Grandeure de la Nation russe et surtout sur le fait que la Russie est une forteresse assiégée. De fait, tout est fait pour renforcer le régime de Poutine tout en faisant porter la culpabilité des problèmes non pas sur la politique inepte du régime ou sur la corruption mais sur l’étranger ou encore les homosexuels. Le régime devient donc fachiste.


Poutine opte pour une forme fachiste non pas parce qu’il est convaincu, mais parce que c’est le meilleur moyen pour lui de rester au pouvoir et continuer à voler. On est donc entrés dans la dernière phase de son opportunisme politique : le fachisme opportuniste.


Le fachisme opportuniste


Le génie de la manœuvre employée par Poutine depuis 2016, c’est qu’elle est ancrée dans l’Histoire russe. En effet, Poutine va invoquer l’Histoire et tordre les faits pour que tout paraisse cohérent au russe lambda. Par exemple, les Russes ayant grandi dans l’Union Soviétique ont grandi avec la certitude que l’Occident cherche à tout prix à détruire l’Union Soviétique. Ceci est un fait. Mais c’est un fait de la Guerre Froide. Et d’ailleurs les Etats-Unis cherchaient autant à détruire l’Union Soviétique que l’Union Soviétique cherchait à détruire les Etats-Unis. Il s’agissait d’une Guerre idéologique et sa propre survie dépendait directement de l’échec de l’idéologie adverse. Mais aujourd’hui la Russie n’a pas d’idéologie mais on lui ressort la même sauce : les Etats-Unis veulent la fin de la Grande Russie. Et Poutine fait un effort extraordinaire pour renforcer cette impression en y ajoutant le passé. Ainsi l’invasion nazie de 1941 est également vue comme une tentative de l’Occident d’envahir la Russie (peu importe si l’Occident était un ennemi du fachisme hitlérien …). Poutine va aussi invoquer l’invasion Napoléonienne ou encore polonaise du début du XVIIème siècle.


Tout paraît donc correct. En effet, la Russie a connu pratiquement toutes ses guerres et invasions comme des menaces venant de l’OuestMais ça c’est un fait géographique, pas historique ! En effet, plus de 80% de la population de la Russie se trouve à l’Ouest du Pays, et les frontières les plus difficiles à défendre pour la Russie sont à l’Ouest. Dire qu’il existe une conspiration contre la Russie qui existe depuis des millénaires, c’est comme dire que la France est la victime d’une conspiration millénaire contre elle de la part des allemands ! Dans l’Histoire de l’Humanité, le plus de Guerre ont eu lieu entre voisins, et les voisins de la Russie sont à l’Ouest ! De plus Poutine en oublie que la Russie a également envahi ses propres voisins (d’où la certitude plutôt avérée que la Russie est un danger pour les pays de l’Europe de l’Est). Poutine oublie sciemment que la Russie a envahi la Pologne et l’a dépecée plusieurs fois, que l’URSS a envahi la Finlande ou encore que la Russie a agressé (minablement) la Japon en 1905. Et j’en oublie encore … Mais vu que les enfants russes ont grandi avec la certitude que l’Occident est l’ennemi, il n’est pas difficile de croire que le danger est réel n’est-ce pas ?


Toute la propagande est ancrée dans une petite part de réel mais aussi dans une grande part de croyances populaires. Là se trouve le génie des propagandistes poutiniens. Ils répètent ce à quoi les russes sont habitués depuis des générations, tout en appelant à leur fantasmes et désir et en justifiant le tout par quelques faits ici et là. Et pourtant à l’examen de chaque élément de la propagande, on est frappés par à quel point il s’agit de mensonges et de contradictions profondes.


Et on en vient donc à oublier que la Russie est aujourd’hui un pays en crise profonde. La Russie est une puissance énergétique majeure, et pourtant beaucoup de ses territoires ne sont pas raccordés au réseau énergétique national. La Russie a une population talentueuse et bien éduquée, et pourtant la Russie ne produit aucun produit de haute technologie en demande sur le marché mondial. La Russie aurait été capable de devenir une plaque tournante de l’économie mondiale par sa position privilégiée, et pourtant c’est aujourd’hui une économie en chute libre et isolée du commerce international. Est-ce le résultat d’une conspiration de l’étranger ou de l’échec des politiques nationales ?


La vérité est là.


Pour masquer ses échecs Poutine cherche à faire porter le chapeau à une prétendue conspiration de l’étranger, tout en voulant arramer sa légitimé à son génie géopolitique. Et voilà qu’il échoue misérablement en Ukraine. Alors qu’est-ce que c’est que cette Russie qu’il a construit ?


La Russie d’aujourd’hui


En 20 ans, avec une politique adéquate, la Russie aurait pu devenir une des Grandes Puissances du monde moderne. Si elle avait suivi l’exemple de la Chine de Deng Xiaoping, elle aurait aujourd'hui les moyens de ses ambitions. Deng avait dit dans les années 1980 que la Chine avait besoin de croissance économique et de calme à l’international (quitte même à se faire oublier). Il ne s’agit pas ici pour moi de dire que les chinois ont raison car Xi Jinping a abandonné la politique de Deng, mais le fait est que la Russie aurait dû choisir ce chemin.


En devenant une économie dynamique et développée (non dépendant de l'exportation des hydrocarbures) la Russie aurait été incontournable pour ses voisins. Par une intégration régionale sagement pensée, elle serait devenue l’acteur incontournable entre l’Europe et la Chine. Ainsi elle aurait été indépendante sur le plan économique et international plus qu’elle ne l’est aujourd’hui. Avec ses incroyables ressources économiques elle aurait pu voir son niveau de vie augmenter, la natalité exploser, son progrès scientifique garanti.


Mais au lieu de ça, nous avons perdu 20 ans. 20 ans de vol, de meurtres et de mensonges. Abreuvés de rêves impérialistes nous avons baissé notre garde et laissé les loups prendre le contrôle du poulailler. Nous n’avons plus rien. Comme le disait un expert américain “la Russie d’aujourd’hui c’est une station essence avec des missiles nucléaires”. Dans l’espace nous ne sommes rien. Sur les nouvelles technologies nous ne sommes rien. Sur la finance nous ne sommes rien.


Tant de morts. Tant de rêves gâchés. Tant de potentiel détruit. Et tout ça pour qu’une élite d’oligarques se prennent pour une nouvelle noblesse et se construisent des palais. Ayant peur de perdre leur pouvoir, ils ont opté pour un modèle fachiste, nourri par les rancœurs du peuple russe et du besoin d’expliquer les difficultés du pays sur autre chose que la corruption des élites. Et ce n’est pas tout.


Essayez d’imaginer tout ce que nous avons perdu. Et ajoutez-y tout ce que nous allons perdre maintenant. Car notre avenir vient d’être détruit également. Non content de nous voler le passé et le présent, Poutine nous vole le futur. Car après tous ces événements, nous aurons à solder son passif. Réparations, vente à perte et reconstruction économique seront à l’ordre du jour pour la future décennie. Les années 2020 étaient la dernière chance pour que la Russie puisse profiter de ses hydrocarbures pour financer son économie. C’est désormais terminé. Nos hydrocarbures, il faudra les vendre à prix cassés pour seulement payer ce qui vient d’être détruit par la Guerre en Ukraine (et pas seulement les dégâts physiques et moraux, mais aussi notre réputation et notre place dans le monde !). Poutine nous aura coûté 30 ans, et donc pour beaucoup de personnes, leur vie active.


Maintenant il faut aussi faire le total de notre Histoire. Imaginez toutes les souffrances que nous avons déjà vécues. 300 ans de règne des Romanov, qui nous ont empêché d’avancer et de devenir aussi développés que l’Europe (voir plus car notre potentiel est sans équivalent). La Révolution de 1917 qui devint inévitable nous a coûté presque autant. Puis la Guerre Civile de 1918-1922. Celle-ci fut suivie de la famine de 1924, puis celle de 1929-1933. Les répressions staliniennes s’ajoutent à la Grande Guerre Patriotique, puis vient la famine de 1947. Après cela nous avons Tchernobyl, la chute de l’URSS, la criminalité et les désordres des années 1990, puis les Guerres de Tchétchénie … Cela fait maintenant 400 ans que la Russie est la victime incontestée de son propre pouvoir politique. La corruption et l’autoritarisme ne sont pas les vertus de la Russie, ce sont sa malédiction. Les mêmes choses produisent les mêmes effets. Nous devons donc à nouveau souffrir. Souffrir de payer nos dettes du passé et payer nos dettes du présent en payant avec notre futur !


En croyant les illusions dont nous a abreuvé Poutine pendant ses 6 dernières années, nous avons trahi la mémoire de nos ancêtres qui ont tant souffert pour nous. Ils ont esperé qu’au moins nous, nous ne ferons pas les mêmes erreurs et que nous vivrons mieux. Nous avons trahi nos enfants, qui seront désormais obligés de vivre dans la honte et dans la même misère que nous de notre temps. Le cycle recommence.


En physique, quand un objet retourne à son point de départ, on appelle cela une “Révolution”. Nous y voilà. Nous allons donc recommencer depuis le début. Nous devons donc repartir sur de bonnes bases pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Notre objectif n’est pas seulement de mettre fin au règne de Poutine, de reconquérir notre honneur et de reconstruire notre économie. Notre objectif c’est de briser la malédiction du peuple russe qui nous a été légué génération après génération.


Si nous y arrivons, la Russie pourra enfin devenir Grande et Glorieuse ! Si nous prenons les bonnes décisions, dans quelques décennies seulement la Russie sera nouvelle et prospère. Si nous ne le faisons pas, la Russie disparaîtra en ayant été dans son Histoire qu’une énorme plaie et un potentiel gâché. L’avenir est entre nos mains et c’est notre devoir de patriotes, d’enfants et de parents, que d’accomplir cette Révolution. Libérer la Russie du Poutinisme n’est que le premier pas.


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