A première vue, ils semblent que les objectifs de l’Ukraine et de l’Occident sont exactement les mêmes : une libération totale de l’Ukraine et la défaite de Poutine. Mais en vérité ce n’est pas tout à fait le cas. Certes l’Occident serait heureux de voir l’Ukraine rétablie dans ses frontières d’avant 2014, mais pour lui ce n’est pas une priorité. Un retour à la situation ante bellum (d’avant Février 2022) serait suffisant. De plus, l'Occident n’a jamais dit qu’il était opposé à des pertes territoriales de l’Ukraine par principe. La position diplomatique (et donc vague) occidentale est le soutien d’une paix négociée entre la Russie (peu importe le régime) et une Ukraine souveraine (ce serait donc à l’Ukraine de décider ce qui lui est acceptable ou non).
Si donc l’emphase n’est pas la même en ce qui concerne les objectifs finaux de la Guerre (libération totale pour l’Ukraine, paix négociée le plus vite possible pour l’Occident), il y aussi un désaccord sur les moyens. L’Ukraine se bat pour sa survie et sa souveraineté. Tous les moyens sont bons. L’Ukraine est prête à tout pour se libérer. L’Occident de son côté n’est absolument pas prêt à tout donner pour la Libération de l’Ukraine. En effet, l’aide militaire et économique venant de l’Occident est certes importante, mais elle a toujours des limites. Et la raison en est : l’Occident veut éviter une escalade incontrôlée avec la Russie, de peur de voir un conflit nucléaire (aussi minime soit-il) exploser.
Aussi, l’Ukraine est moralement prête à se battre aussi longtemps qu’il le faudra. L’Occident se dit prêt à soutenir l’Ukraine autant qu’il le faudra également mais en vérité l’Occident (parce qu’il est démocratique) doit faire face à une pression interne : les coûts de production augmentent à cause de la crise énergétique et cela se répercute sur les ménages et sur le coût de la vie. Très vite le soutien à la lutte pour la Liberté du peuple ukrainien est oubliée à cause des difficultés économiques et il devient de moins en moins facile de faire passer à l’opinion une nouvelle livraison d’armes ou un nouveau crédit accordé à l’Ukraine (surtout quand on ne sait pas quand ce crédit sera remboursé).
De fait, l’Occident veut une fin à cette Guerre le plus vite possible et à moindre coût. Certes il veut la libération de l’Ukraine, mais tant que celle-ci ne bascule pas complètement sous le contrôle russe, cela lui va même si l’Ukraine doit céder des territoires. L’Occident ne peut pas accepter une capitulation de l’Ukraine car ce serait ouvrir la porte à une fronde interne dans l’OTAN elle-même et pourrait amener à une chute d’autres régimes proches de la Russie et d’autres invasions (encore plus coûteuses à empêcher) à l’avenir. C’est pour cela qu’il ne faut pas croire que l’Ukraine n’est pas importante pour l’Occident ou est seulement un moyen de pression sur la Russie comme le ferait croire la propagande du Kremlin. Mais l’Occident ne réfléchit pas en termes d’intérêts ukrainiens mais en termes de stabilité européenne globale. L’Occident veut maintenir sa position stable plus qu’il ne veut une Ukraine reconstituée.
Mais je pense que l’Occident a tort de rester sur cette position purement défensive (on soutient l’Ukraine tant qu’elle reste un mur face à l'expansionnisme russe). La stratégie victorieuse est plus souvent offensive que défensive. Après tout, se défendre c’est attendre de perdre un autre jour. Mais si l’Occident ne peut entrer en conflit directement avec la Russie et ne peut non plus soutenir indéfiniment cette Guerre … que faut-il faire ? Comme d’habitude, pour régler un problème il faut savoir faire un pas en arrière et regarder le contexte dans un contexte plus global. Et dans notre cas présent ce qui doit intéresser l’Occident ce n’est pas seulement la Guerre en Ukraine, mais la position stratégique de la Russie elle-même : il faut faire pivoter la Russie pour que celle-ci rejoigne l’Occident au lieu de le défier, et cela passe par une Révolution.
Bien évidemment, l’Occident n’est pas intéressé de soutenir une Révolution en Russie pour que la Russie devienne plus forte ou que sa population vive mieux. Mais l’Occident ne peut pas non plus ignorer le matérialisme historique. Si les Etats-Unis ont mis en place un plan Marshall en 1948, ce n’était pas pour que les européens vivent mieux. C’était parce que la reconstruction de l’Europe occidentale bénéficiait directement aux Etats-Unis (nouveaux marchés, capacité de l’Europe occidentale à résister à la politique soviétique). Il en va de même avec la Russie aujourd’hui. L’Occident a besoin d’une Nouvelle Russie pour garantir ses intérêts à lui.
Ces intérêts, j’en ai déjà parlé dans d’autres articles et notamment on peut se souvenir d’un besoin de sécurité dans l’Europe de l’Est (nous voyons ce que l’insécurité en Ukraine nous donne aujourd’hui même) et d’un besoin d’un marché performant mais à moindre coût qui peut être intéressant pour l’investissement occidental. N’oublions pas non plus les besoins en énergie à moindre coût et la proximité géographique qui permettent des économies de transport. Je le répéterai ad nauseam : la Russie a besoin de l’Occident comme l’Occident a besoin de la Russie. Ceci est d’autant plus avéré quand on voit les dégâts causés par cette Guerre, la Russie et l’Ukraine en souffrent mais l’Occident en souffre également. Cela prouve bien que cette Guerre n’aurait jamais dû avoir lieu et que le crime historique est total.
Mais l’Occident a plus que jamais besoin d’une Russie à ses côtés quand on pense à la menace chinoise à l’horizon. Personne ne peut en douter aujourd’hui, vers le milieu ou la fin de cette décennie peut survenir la plus grande Guerre jamais vue : la Grande Guerre du Pacifique. Ce n’est pas pour rien que les Etats-Unis ouvrent aujourd’hui des usines à microchips au Texas ou que des alliances sont signées entre l’Australie, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. Tout le monde se prépare pour être en position d’avantage si un conflit venait à éclater dans le Pacifique.
Si la Russie est du côté de la Chine (ou plus exactement si la Russie devient de fait une colonie de la Chine), la Chine aura accès à toutes les ressources minérales et énergétiques russes à prix cassés et pourra projeter sa puissance sur la Mer de Chine. De plus, si la Chine venait à attaquer Taïwan, Poutine pourrait (à tort) penser que si les Etats-Unis seraient trop occupés dans l’Océan Pacifique pour intervenir en Europe et pourrait en profiter pour attaquer les pays baltes et la Pologne notamment. Il aurait bien sûr tort car les Etats-Unis sont plus que capables de mener une Guerre sur deux fronts et la Russie serait écrasée mais cela pose la question inconfortable d’une Guerre nucléaire entre la Russie et les Etats-Unis … En somme une Troisième Guerre Mondiale qui détruirait notre civilisation.
Mais si la Russie est du côté de l’Occident, la Chine serait privée de ressources achetées au rabais et serait placée dans la même situation que la Japon en 1941 (compte à rebours avant épuisement des stocks et donc effondrement économique garanti). Avec la Russie faisant pression au Nord, la Chine devrait penser à deux fois avant d’envahir Taïwan alors que l’Occident pourrait entièrement se concentrer sur l’Océan Pacifique car l’Europe serait stable et en paix (sans parler de la fin de toute dictature en Europe avec l’effondrement de régime de Loukachenko en Biélorussie).
L’Occident a donc tout à gagner d’une Russie libre et démocratique, capable de lui garantir la paix en Europe et l’accès à un marché dynamique et innovateur (à cause des réformes libérales post-révolutionnaires) ainsi qu’à une énergie à bas prix. Une Russie démocratique symbolise aussi la fin de la Guerre en Ukraine (et sa Libération) ainsi qu'un rebondissement économique tant nécessaire aujourd’hui. Une Russie libre permet également de renverser la situation stratégique vis-à-vis de la Chine, ce qui peut non seulement éviter une Guerre Nucléaire d’ampleur, mais aussi garantir la Victoire de la Liberté face à la tyrannie.
Et tout cela, l’Occident ne peut l’obtenir que grâce à une Révolution en Russie. Il n’y a pas d’autres moyens. Alors il faut arrêter cette myopie qui consiste à seulement regarder la situation en Ukraine. Il faut avoir le courage de comprendre qu’il est dans l’intérêt de tous de soutenir une Révolution en Russie. Il faut donc que l’Occident face tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir celle-ci. La Victoire ne viendra pas uniquement par la livraison de chars, elle passera aussi par un soutien des mouvements contestataires russes, comme par exemple le mouvement autour d’Alexei Navalny.
Conclusion
L’Ukraine et l’Occident jouent contre la montre, à chaque mois passé sans Victoire, le coût de la Guerre pèsent sur eux et diminuent leurs chances pour l’avenir. L’Ukraine ne peut se permettre de perdre ou d’abandonner des territoires à la Russie mais l’Occident ne peut se permettre une escalade incontrôlée avec la Russie et ne fournit à l’Ukraine que le strict nécessaire pour que l’Ukraine continue sa défense sans détruire l’armée russe. L’Ukraine et l’Occident sont dans une impasse alors que le temps profite à Poutine qui peut se permettre d’attendre tant qu’il ne perd pas. Toute cette situation bénéficie avant tout à la Chine qui colonise petit à petit la Russie et prépare ses plans pour le Pacifique. La Russie, elle, coule et se dégrade à une vitesse affolante et subit son pire déclassement depuis 1991.
Pour une Ukraine libre, pour un Occident renforcé face à une Chine menaçante, pour une Russie libre et démocratique et heureuse, il faut une Révolution russe. C’est la seule solution qui promet une Victoire sur tous les fronts et pour le plus grand nombre. Celle-ci bénéficierait au monde entier. Elle doit être la priorité de tous. Les Russes doivent se battre pour leur Liberté, les Ukrainiens doivent les soutenir autant qu’ils le peuvent, et l’Occident doit favoriser une telle Révolution en Russie.
Nous avons une chance historique de changer notre destin et d'éviter le pire, tout en corrigeant les erreurs du passé. Tout le monde a trop longtemps accepté de fermer les yeux sur la dégradation des libertés en Russie et sur le meurtre de sa démocratie tant que les hydrocarbures venaient à bas prix et qu’il n’y avait pas de Guerre. Désormais la Guerre et la crise sont là. Il n’y a plus le choix. Il faut agir. L’Heure du Jugement a sonné. Ce sera soit la Révolution en Russie, soit la mort de la Liberté.
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